témoignage à méditer: et nous? serons nous debout?

« Faites les asseoir »(Jn 6/10)

Nous avons beaucoup marché. Ils n’ont pas avancé.

Dans les rues, sur les places, nos cortèges n’ont cessé de se densifier. Les leurs se sont égayés avec des cris d’orfraie dans les ruelles du Marais, sous les ors des palais ou les néons des salles de rédaction. Ils sont tellement sûrs d’appartenir au camp de la lumière !

Mais ils ne voient rien, n’entendent rien, ne sentent rien. Ils ne pensent pas plus loin que le bout de leur idéologie ou de leurs émotions, de leurs affections, de leurs illusions, de leurs blessures personnelles (de leurs intérêts individuels, peut-être ?). Manipulateurs ou manipulés pour de médiocres jeux politiques, souvent dépendants de pouvoirs et de structures qui leur servent à crédit leur pitance quotidienne, bercés par la jolie petite musique de la bien-pensance, ils sont là, dans une apparente jubilation, la main sur le cœur, emplis de la certitude d’avoir raison, d’avoir fait entrer la France dans l’ère de la modernité, du progrès, de la justice.

Dans le liquide amniotique du relativisme, du matérialisme et du constructivisme dans lequel nous baignons depuis près de 50 ans, comment pouvait-il en être autrement ? Nous y avons tous barbotés avec une indifférence coupable, laissant s’installer ‘sans mouffeter’ une société de chacun pour soi, d’ivresse scientifique, de toute-puissance technologique, de mépris du politique, de normalisation culturelle, de démission citoyenne et de délégation technocratique devant mille et un cruciaux enjeux de société, ouverts ou cachés.  

Ainsi nous aurions perdu ? Tout serait inéluctablement joué ? Ainsi, nous devrions plier l’échine devant l’iniquité et l’absurdité ? Que faut-il donc faire pour que cesse ce mensonge, pour que se ravisent sans perdre la face les bidouilleurs inconséquents d’une société annoncée d’aberration, d’oppression, de violence et de tristesse ? Car d’autres projets éthiques, sociaux ou économiques s’ensuivent qui méritent notre réflexion et notre prise de position.

Il nous faut nous asseoir.

Comme les Veilleurs qui, nuit après nuit, convoquent dans leurs jeunes assemblées le meilleur de la sagesse humaine, le plus beau de la pensée, de l’art et de notre simple humanité ; tous ensemble, nous devons un instant nous arrêter.

Prendre le temps de recevoir ce que notre Histoire raconte au creux de ces événements.

Faire silence en nous, taisant la rage, l’inquiétude ou le désespoir qui montent dans nos cœurs. Apprendre à nous écouter mutuellement.

Nous retrouver, les uns auprès des autres, nous sentir toujours libres et vivants, toujours soucieux de l’autre au delà de nos intérêts propres.

Goûter à la vie qui nous est donnée en surabondance (réjouissons nous, nulle loi, nulle Haute Autorité ne pourront jamais le faire … !) ; celle qui fait monter la sève dans tout végétal, briller le soleil par delà les nuages, battre nos cœurs à la beauté et la force des femmes, à la pureté et la liberté des enfants, à la grandeur d’un peuple uni et fier.

Nous devons échanger en confiance avec nos amis, ou d’inconnus voisins de bitume, sur le monde à venir que nos paisibles rassemblements annoncent, dessinent, construisent. Cela, ils ne le font pas. Ils ne le peuvent plus. Ils ne savent plus que pédaler plus vite pour éviter de tomber. Ils ne pensent plus qu’à biaiser, tronquer, truquer. Pauvre lumière !

Ne lâchons rien !

Rien de nos convictions, de nos intuitions, de nos désirs. Rien de ce qui nous a réveillé de notre torpeur tout au long des derniers mois. Rien de ce qui dérange, étonne, impressionne, émerveille, inspire même les peuples étrangers qui nous observent.

Nous devons comprendre que, jamais, jamais, jamais, l’Histoire est définitivement écrite ; surtout avec de si mauvaises plumes !

Notre masse, humble mais déterminée, doit interpeller, non les apparents maîtres du jeu, mais ceux et celles que la servitude, les inquiétudes ou les illusions de l’époque, les blessures du temps ou le manque patent de discernement ont empêché de brandir avec nous l’étendard bleu, blanc, rose.

Il est urgent de former le socle des bâtisseurs d’avenir. Il est urgent de rassembler ceux que des idéologues opportunistes ou dogmatiques opposent à leurs dépens. Nous sommes porteurs d’une fragile et belle espérance. Elle est plus puissante que tous les programmes électoraux, l’infestation des lobbies, le suivisme ignorant des médias, les gaz aveuglants de tant d’éphémères pouvoirs.

Alors de grâce, mes amis, n’échangez pas votre manifestation du dimanche 5 mai prochain contre une sieste avinée dans le canapé, la solitude numérique de votre i.pad, une si tentante échappée à la campagne, un trop plein de boulot à terminer ou le montage en sept jurons d’une armoire IKEA ! Il sera bien temps de le faire plus tard, ailleurs, en d’autres circonstances moins cruciales pour notre pays, nos enfants et les enfants de nos enfants.

Vacances scolaires ou pas, tous au sit-in et autres rassemblements organisés par la Manif pour Tous à Paris** et dans toute la France**, dimanche prochain (puis, plus tard, le 26 mai …).

Vous verrez, c’est étonnant, comme, tous ensemble, assis par terre, nous aurons l’étrange mais juste impression d’être plus que jamais debout !